Joe Jackson revient avec un nouvel album hommage à Duke Ellington : The Duke

JOE JACKSON parle de DUKE ELLINGTON written by Joe Jackson


Edouard Kennedy Ellington, l’un des géants de la musique du 20ème siècle, est né au 19ème siècle….tout juste, le 29 avril 1899, à Washington DC.

Dès l’adolescence, son élégance naturelle et son charisme lui valent le surnom de « Duke ».

Il partit vivre à New-York – Harlem, précisément. Dès que l’occasion se présente, et Harlem restera son foyer théorique, tout au long de sa vie.Son foyer réel, sa vraie maison, était sur la route, avec la troupe qu’il a formée contre vents et marées de la fin des années 20 jusqu’à sa mort en 1974. Beaucoup de musiciens exceptionnels firent des aller-retour sur ce long chemin, mais beaucoup d’entre eux sont restés avec lui plusieurs décennies.

Ellington n’était pas seulement un grand musicien de jazz ; il était parmi la poignée de figures indispensables qui inventèrent le jazz, ou tout au moins en firent une forme d’art nouvelle et purement américaine.

Et comme si cela ne suffisait pas, il continuera à produire une forme de travail si vaste, éclectique et originale que son art a transcendé toutes les étiquettes et les tentatives de catégorisation.

Le Duke était une personnalité complexe et fascinante. Un joueur et un charmeur, un dandy et un homme à femmes… Il était aussi un artiste empli d’énergie sans limites, d’ambition créative, entièrement et sérieusement dévoué à son art.

Il était un bon vivant, et aussi un être profondément croyant. Il adorait fréquenter les aristocrates, croyant apparemment qu’il appartenait à leur monde (ce qui finalement est assez vrai, au moins sur le plan musical). Parallèlement, il était profondément impliqué dans l’édification des siens.

Les militants des droits civiques qui l’ont ouvertement critiqué dans les années 60 pour son « manque d’agressivité » avaient tout faux : la contribution d’Ellington à la lutte fut un exemple de dignité, d’excellence, et de classe intégrale rarement égalées.

J’ai commencé à m’intéresser à la musique d’Ellington lorsque j’étais encore un adolescent passionné de musique dans une province anglaise ultra-blanche, mais la politique de sélection raciale américaine me sidérait.

Encore aujourd’hui, il m’est difficile de croire que l’orchestre d’Ellington jouait devant des publics exclusivement blancs au Cotton Club…

Ou que lorsqu’ils étaient en tournée, on leur refusait l’entrée dans les hôtels tenus par des blancs (un problème qu’ils ont résolu, pendant un bon moment, en louant leurs propres trains à couchettes, avec bars et restaurants).

Lors de leur première apparition dans un film, deux membres de l’orchestre – le clarinettiste Barney Bigard (un créole de la Nouvelle-Orléans) et le tromboniste Juan Tizol (un portoricain) furent jugés trop clairs de peau par les pontes du studio.

Musiciens blancs et noirs n’étaient pas autorisés à jouer ensemble… alors ces deux hommes-intelligents, adultes, sophistiqués et artistes distingués- durent porter un maquillage afin de passer pour des noirs.

Dans le même temps, des musiciens blancs largement inférieurs donnaient des concerts prestigieux et gagnaient beaucoup plus d’argent.

Il est pratiquement impossible d’imaginer comment ils ont pu supporter un tel traitement jour après jour…. Mais tout ça n’a pas empêché Ellington, à la fin de sa carrière, d’embaucher plusieurs musiciens blancs (à commencer par le batteur superstar Louis Bellson en 1951).

Comme compositeur, arrangeur, et chef d’orchestre, Ellington était reconnu comme un génie universel.

Comme pianiste, je pense qu’il est sous-estimé, bien que je ne sois pas le seul à le dire. Mais peu de gens ont remarqué à quel point sa façon de jouer a inspiré le jeu de musiciens beaucoup plus modernes, comme Thelonious Monk ou Bill Evans.

Toutefois, Ellington était surestimé en tant que parolier. Cela peut sembler étrange, car il a écrit de nombreux classiques et beaucoup de hits.

Mais son point faible était… les paroles. Je ne dis pas cela parce qu’il a écrit très peu de paroles lui-même, ou parce qu’elles n’étaient pas de grande qualité. Beaucoup de grands compositeurs de chansons – George Gershwin, Harold Arlen, Richard Rodgers – n’ont jamais écrit les paroles de leurs œuvres. Mais ils avaient l’intelligence de créer des liens avec de fabuleux paroliers.

Par contraste, les chansons d’Ellington commençaient généralement comme des instrumentaux, puis on leur ajoutait des paroles de faible qualité, apparemment pondues par le premier venu qui se baladait à ce moment-là dans le bureau.

Les paroles de Caravan et Perdido sont si mauvaises que j’ai demandé à Sussan Deyhim et Lilian Vieira de les traduire dans leur langue natale pour cet album, et je suis à peu près sûr qu’elles les ont grandement améliorées…par rapport à l’original.

Enfin, beaucoup de paroles en anglais font l’affaire, et les mélodies sont si efficaces que deux bonnes douzaines de chansons d’Ellington resteront à jamais des « standards », quoi qu’il arrive – même si elles sont plus souvent jouées que chantées.

Toutefois, ce qui m’a attiré dès le départ dans sa musique sont ses compositions sophistiquées, et en cela je suis peut-être différent. Je pensais que ses premiers enregistrements emplis de grésillements étaient de l’histoire ancienne qui sonnaient éraillés, et cela m’a pris un long moment : acquérir la connaissance et la maturité nécessaires pour comprendre à quel point sa musique était radicale et excitante à la fin des années 20.

Ils appelaient ça le Jungle Sound : des clarinettes gémissantes et des cuivres wah-wah un peu sales, des harmonies grasses et parfois dissonantes, des tam-tam bondissants et des saxophones sensuels, presque pornographiques. A une époque où on n’était même pas sûr de savoir ce qu’était le jazz, ça devait être un peu comme trouver une porte secrète et l’ouvrir pour vous retrouver… pas seulement dans une autre pièce, mais carrément sur une autre planète.

The Mooche et Black and Tan Fantasy datent de cette époque, et ces deux chansons diffusent un étrange mélange de tragédie, de frayeur, d’humour ironique – ils me rappellent toujours les vieux dessins animés de Betty Boop avec des maisons hantées et des squelettes dansants.

1931 a donné le jour à deux grands classiques, l’insolent Rockin’ in Rythm et le mélancolique et luxueux Mood Indigo, et en 1932 Ellington était une fois de plus en avance sur son temps avec It don’t mean a thing (If it ain’t got that swing). Des environs de 1935 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, une chose appelée le swing emporta les USA, et le monde avec, comme un ouragan. Le swing, bien sûr, c’était du jazz, organisé pour sonner plus commercial et dansant, et joué par de grands orchestres. Les leaders d’orchestre noirs (Chick Webb, Jimmie Lunceford, Count Basie), existaient dans une sorte d’univers parallèle à celui des blancs (Benny Goodman, Tommy Dorsey, Glenn Miller), sur lesquels la nostalgie du swing a tendance à se cristalliser.

Ellington se distingue de tous ces musiciens. Il était aussi un des chefs d’orchestre les plus en vue de l’ère du swing. Mais il était arrivé avant, et resterait moderne encore longtemps après, créant de nouvelles couleurs, de nouvelles formes et des ambiances qui allaient largement au-delà de l’imagination de beaucoup de ses contemporains.

Il est certain que beaucoup de critiques voient la fin des années 30 et le début des années 40, surtout 1940-42, comme le sommet de la carrière d’Ellington.

Je suis à moitié convaincu… Son orchestre, inondé de musiciens vedettes, et poussé à l’extrême par des arrangements de plus en plus innovants, a enregistré une longue lignée de hits, dont Caravan, I got it bad (and that ain’t good), Cotton Tail, Perdido, I’m beginning to see the light, Do nothin’ till you hear from me, Take the « A » train et I ain’t got nothing but the blues ; et j’oublie de mentionner de sérieux chefs d’œuvre comme Ko-Ko, Jack the Bear et Main Stem… Je n’ai pas essayé de m’y attaquer pour cet album. Peut-être dans le prochain.

Dans les années 50, la plupart des grands orchestres disparaissaient l’un après l’autre, mais Ellington continuait sa route, rencontrant toutes sortes d’obstacles, jusqu’à que les gens comprennent le message : non seulement il refusait de quitter la scène, mais il innovait en permanence. Sa performance au Newport Jazz Festival en 1956 a galvanisé une nouvelle génération, et il s’est retrouvé un jour en couverture du Time, traité soudain avec respect et déférence.

En studio, Ellington faisait toujours l’actualité sur des hits (cf. Satin Doll, qui en dépit des paroles écrites par le grand John Mercer, est encore une fois toujours plus souvent jouée que chantée).

Mais il a tiré parti du nouveau format des 33 tours en créant des œuvres plus longues, plus ambitieuses, et en retravaillant plusieurs de ses vieux standards. Ces classiques en sont sortis plus brillants et innovateurs, pas simplement « retouchés ».

Réécoutez, par exemple, la version de 1952 de The Mooche sur l’album Uptown. La version originale apparaît alors comme une esquisse rustique de la version finale et ultérieure, pleinement achevée.

Dans les années 60, le Duke fut enfin intronisé comme l’un des plus grands compositeurs du 20ème siècle, à l’égal de Stravinsky ou Ravel. Ellington et son orchestre devinrent un genre nouveau d’ambassadeurs, en tournée dans le monde entier, envoyé en mission par le gouvernement américain.

Ses dernières compositions montrent aussi qu’il n’avait pas de frontières. Contrairement à la plupart de ses contemporains, il n’avait pas de problème avec le be-bop, la musique sud-américaine, le rhythm & blues, ou le rock’n’roll.

Il a écrit des thèmes de films et de la musique sacrée. Parmi ses derniers enregistrements, on trouve des perles profondes, intenses, magnifiques : rien qu’en exemple, The New Orleans Suite ou The Far East Suite, dont est tiré Isfahan) ; certains sont vraiment étranges, comme The Afro-Eurasian Eclipse). Il est possible qu’il ait été tellement en avance sur son temps que certains d’entre nous ne l’ont toujours pas rattrapé…

Un mot sur les collaborateurs d’Ellington. Bien que le Duke ait produit des centaines de compositions entièrement personnelles, d’autres noms apparaissent sur les pochettes de disques.

Souvent, ce sont des paroliers…parfois des membres de l’orchestre, comme Juan Tizol, qui a largement contribué à créer l’air de Perdido et Caravan, qu’Ellington retravailla alors en arrangements accomplis. Son collaborateur le plus important était cependant un pianiste, compositeur et arrangeur : Billy Strayhorn, qui devint son bras droit en 1939 et le resta jusqu’à sa mort prématurée en 1967. Son style fusionnait si intensément avec celui du Duke que beaucoup d’œuvres tardives sont simplement créditées “Ellington/Strayhorn”, et personne ne sait exactement qui faisait quoi. Les gens sont souvent surpris quand ils découvrent que Strayhorn a écrit le thème principal de l’orchestre, Take The ‘A’ Train.

Mon approche du matériau pur de cet album a été inspirée par Ellington lui-même : rien n’est sacré, et tout peut être réarrangé ou réinventé. La seule chose que j’ai essayé d’éviter est d’imiter ou d’entrer en compétition avec le maître.

C’est pourquoi il n’y a pas de cuivres dans ces arrangements (j’ai un peu triché sur Rockin’ In Rhythm à l’aide d’un piccolo et d’un sousaphone, mais au moins Ellington n’a jamais utilisé aucun de ces deux instruments). En fusionnant certaines chansons sous forme de medleys, j’ai réussi à faire 10 chansons, à partir de 15.

J’ai toujours eu le sentiment que ces airs étaient assez puissants pour être joués avec le groove qu’Ellington aurait adoré entendre ne serait-ce qu’en imagination, s’il avait vécu plus longtemps – Caravan étant, je suppose, latin/afrobeat, et Perdido étant plutôt samba/drum’n’bass.

En fait, j’ai emprunté un chemin encore vierge dès que la possibilité s’offrait à moi.

Autant que je sache, je suis le premier à travailler à la fois une fugue et un canon dans I Got It Bad, et à réaliser que I’m Beginning To See The Light and Take The ‘A’ Train pouvaient être jouées sur la même piste. J’ai recréé en imagination Rockin’ In Rhythm comme si cet air était joué par un orchestre de cuivres de la Nouvelle-Orléans sans la plupart des cuivres… et dans I Ain’t Got Nothin’ But The Blues, j’ai rendu hommage à Ellington et James Brown en même temps.

Les musiciens sont aussi un sacré mélange : Anglais, Américains, Iraniens, Brésiliens, Allemands et Hollandais.

Dieu seul sait ce que le Duke aurait pensé de tout ça, mais j’aime à imaginer qu’au moins ça l’aurait amusé. Je ne le saurai jamais, bien sûr, et quoi que je fasse de sa musique, en bon ou en mauvais, ne changera jamais rien à cette évidence : il est l’un des Immortels.

Je trouve cette idée libératrice ; et c’est plutôt drôle de constater que j’ai eu la liberté de manquer de respect à sa musique…que je vénère. Ca a été un sacré moment de plaisir. Joe Jackson – Berlin 2012

« The Duke » – Tracklist
1. Isfahan
2. Caravan
3. I’m Beginning To See The Light / Take The ‘A’ Train / Cotton Tail
4. Mood Indigo
5. Rockin’ In Rhythm
6. I Ain’t Got Nothin’ But The Blues / Do Nothin’ ‘Til You Hear From Me
7. I Got It Bad (And That Ain’t Good)
8. Perdido / Satin Doll
9. The Mooche / Black And Tan Fantasy
10. It Don’t Mean A Thing (If It Ain’t Got That Swing)

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Yvette Hors Norme, le nouvel album d’Yvette HORNER est dans les bacs

Je ne peux pas me passer de musique. Le soufflet de mon accordéon est comme un battement de mon coeur. J’ai passé ma vie à apprendre et je sais que j’apprendrai jusqu’à mon dernier souffle, en éternelle élève.

Lorsque, il y a quelques temps, Jean Pierre Brun, mon agent, m’a fait écouter un morceau qui ne s’appelait pas encore « Hors Norme », j’ai immédiatement reconnu la patte d’un compositeur de talent.

Peu de temps après, j’ai rencontré Patrick Brugalières et nous avons, sans hésiter, décidé de travailler ensemble et d’enregistrer ce premier thème. Très vite, j’ai ressenti une totale harmonie dans notre collaboration. Nous parlions le même langage, nous nous comprenions note à note.

Aussi, lorsque Jean Pierre m’a suggéré de confier à Patrick la réalisation de la totalité de mon nouvel album, j’y ai adhéré sans réserves. Et puisque ce disque se devait d’être « Hors Norme », j’ai tenu à y associer l’accordéon de Marcel Azzola, celui de Richard Galliano, le violon de Didier Lockwood, le piano de Matthieu Gonet, les guitares de Los Chicos et la voix de Lio.

Marcel Amont et Jean Lassalle, mes amis, m’ont accompagnée dans l’hommage que j’ai voulu rendre à mes Pyrénées, mes racines. Les mots de Jean Pierre et la musique de Patrick m’ont aidée à remercier René, mon mari tant aimé, de m’avoir si bien épaulée dans la traversée de ma vie. Cerise sur le gâteau, Jean Paul Gaultier, mon ami fidèle au talent flamboyant, m’a fait la joie d’illustrer la pochette. Ainsi est né « Yvette Hors Norme »…

La Musique, c’est le coeur qui bat.
Que ce disque, qui m’est si cher, en soit le témoignage.

Yvette Horner

C’est presque un lieu commun de dire qu’YVETTE HORNER est une personnalité hors norme, tant sa carrière et sa vie sont ponctuées d’épisodes, de rencontres musicales, aux antipodes les uns des autres. Mais, constante à cela, le même enthousiasme, la même honnêteté, le même professionnalisme, nous font accepter et aimer le personnage à travers son éclectisme. Ce nouvel album est le témoignage de toutes ces belles rencontres, de tous ces grands écarts ; s’y côtoient LIO, MARCEL AMONT, MARCEL AZZOLA, RICHARD GALLIANO, MATTHIEU GONET, JEAN LASSALLE, DIDIER LOCKWOOD, LOS CHICOS, … les illustrations de JEAN-PAUL GAULTIER, une belle lettre de JULIEN DORÉ… Et tout cela – paradoxe digne d’Yvette Horner – pour un feu d’artifice musical des plus harmonieux.

Les Titres de l’Album

1. TICO-TICO NO FARELO avec LOS CHICOS    (arrgt de P. Brugalières d’après Zequinha Abreu)
2. IRISH TRAVEL avec DIDIER LOCKWOOD    (P. Brugalières)
3. CARROUSEL DES BORDS DE MARNE    (P. Brugalières)
4. RENÉ, MA VIE, MON SANG    (J.-P. Brun/Patrick Brugalières)
5. CORPS ACCORDÉON avec LIO    (J. Duino/P. Brugalières)
6. RAGGA-SCOTTISH    (P. Brugalières)
7. SE CANTI, JO QUE CANTI avec MARCEL AMONT, JEAN LASSALLE et le choeur ERROBI KANTA    (traditionnel, arrgt de P. Brugalières )
8. YVETTE ET MARCEL avec MARCEL AZZOLA    (F. Garbasi et Y. Horner, arrgt de P. Brugalières)
9. GNOSSIENNE N°3 avec RICHARD GALLIANO (E. Satie)
10. SANG VIENNOIS    (J. Strauss II arrgt de P. Brugalières)
11. NEW MILONGA    (P. Brugalières)
12. LA MUSIQUE C’EST LE CŒUR QUI BAT avec MATTHIEU GONET (P. Brugalières)
13. TRAVERSÉE D’UNE VIE, musique seule de “René, ma vie, mon sang »    (P. Brugalières)
14. Hors Norme (P. Brugalières)

Regarder Yvette Hors Norme – Clip Officiel :

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